La fille d'un opposant rwandais espionnée par Pegasus en Belgique
Publié aujourd'hui à 18h00
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EnquêteOpposant notoire au président Kagame et héros du film « Hôtel Rwanda », Paul Rusesabagina est actuellement jugé à Kigali. Sa fille, qui se bat sans relâche pour sa libération, a vu son téléphone infecté par le logiciel espion. Les autorités rwandaises démentent toute implication.
Gérant de l'Hôtel des Mille Collines, que détient la Sabena, l'ancienne compagnie aérienne belge, au cœur de Kigali, Paul Rusesabagina n'a pas encore fêté ses 40 ans lorsque, le 6 avril 1994, un missile sol-air touche de plein fouet le Falcon-50 qui ramène le président rwandais Juvénal Habyarimana de Tanzanie. L'événement déclenche un génocide qui, en quelques semaines, signe la mort de plus de 800 000 Tutsi et Hutu modérés.
Immédiatement, Paul Rusesabagina, dont l'épouse est tutsi, se réfugie dans l'hôtel dont il a la charge, ouvrant la porte à 1 268 autres réfugiés, les protégeant – dans des circonstances controversées – des milices. Un sauvetage mis en scène par l'Irlandais Terry George dans le film Hôtel Rwanda, en 2004.
Installé en Belgique avec sa famille depuis 1996 et devenu l'un des opposants les plus virulents de l'actuel président, Paul Kagame, Paul Rusesabagina, 67 ans, a été arrêté à la fin du mois d'août 2020 au Rwanda. Il doit répondre de neuf chefs d'accusation, dont celui de terrorisme, et risque de finir ses jours en prison.
Ce dissident averti, dont les inimitiés réciproques avec les autorités de Kigali étaient connues, s'est retrouvé menotté à la fin des vacances d'été 2020, prisonnier exhibé à la presse par le Bureau rwandais d'investigation… Le citoyen belge avait décollé de l'aéroport de San Antonio (Texas), où il réside une partie de l'année, afin de se rendre au Burundi. Or, lorsque son vol a fait escale aux Emirats arabes unis, un pays qui entretient d'excellentes relations avec le Rwanda, Paul Rusesabagina a embarqué dans un avion privé qui, croyait-il, allait le mener à Bujumbura. En fait, il s'est retrouvé à Kigali, où son procès s'est ouvert en février.
Les proches de M. Rusesabagina ont envisagé que les communications de ce dernier avaient été écoutées par les services de renseignement rwandais. Une suspicion qui s'est étoffée lorsque, dans le cadre de cette enquête collaborative menée par Le Soir et Knack en collaboration avec Forbidden Stories, Amnesty International et quinze autres médias, l'un des iPhone de Carine Kanimba – l'une des filles de Paul Rusesabagina –, analysé par le Security Lab d'Amnesty International, a révélé des traces récentes d'intrusion.
« J'avais réservé le vol de mon père jusqu'à Dubaï, il s'était déjà arrangé lui-même pour aller de Dubaï au Burundi », raconte Carine Kanimba, formelle sur le fait qu'« il ne serait jamais rendu au Rwanda de son plein gré, parce que le gouvernement rwandais a déjà tenté de le tuer. » « Ils ont déjà pénétré dans notre maison en Belgique à plusieurs reprises. (…) Il y a quelques années, nous avons reçu l'enregistrement audio de deux personnes en train de parler. C'étaient deux membres du Bureau rwandais d'investigation, ils envisageaient d'empoisonner mon père, mais aussi de mettre des photos pédopornographiques dans son ordinateur. Ils avaient ce matériel, il leur fallait juste pouvoir s'approcher de son ordinateur. Puis ils auraient alerté le FBI afin qu'ils l'arrêtent. Et la même chose se serait passée en Belgique. Mon père s'est rendu à la police afin de porter plainte. »
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