Sanctions : la Chine prépare ses arrières, CNOOC, le géant de l'énergie chinois, solde tous ses actifs en Amérique du Nord
Mieux vaut prévenir que guérir! Pékin va réduire sa dépendance à l'Occident, comme l'illustre la démarche de CNOOC, le géant pétrolier et gazier chinois, qui va céder toutes ses participations en Grande-Bretagne, au Canada et aux États-Unis, révèle l'agence Reuters. Menacée à son tour de sanctions pour son soutien à la Russie, elle-même soumise à un embargo occidental depuis son invasion militaire en Ukraine, Pékin veut éviter que certains de ses actifs ne fassent l'objet d'une confiscation à l'étranger.
Non seulement la Chine a refusé de condamner l'opération russe mais entend entretenir des bonnes relations avec la Russie, dont les hydrocarbures et autres matières premières l'intéressent pour assurer son approvisionnement.
En acquérant le producteur canadien Nexen en 2012 pour 15,1 milliards de dollars, CNOOC, qui a le statut d'une entreprise d'Etat, s'était hissé parmi les grands producteurs mondiaux d'hydrocarbures.
220.000 barils équivalent pétrole par jour
Les actifs de l'ex-Nexen - le nom a disparu en 2019 pour être intégré à la marque CNOOC - comptent des participations dans des champs off shore en mer du Nord, dans le gaz de schiste du nord-est de la Colombie-Britannique, dans l'exploration d'hydrocarbures de schiste au large de Terre-Neuve-et-Labrador ou encore dans le parc éolien de Soderglen dans le sud de l'Alberta, au Canada. Aux États-Unis, CNOOC possède des actifs dans les bassins onshore Eagle Ford et Rockies shale, ainsi que des participations dans deux grands champs offshore dans le Golfe du Mexique, Appomattox et Stampede. La production cumulée s'affiche à environ 220.000 barils équivalent pétrole par jour (boed), selon les calculs de Reuters. En dehors de la Chine, CNOOC est présent dans une vingtaine de pays.
En mars, Reuters avait déjà indiqué que le géant chinois avait donné mandat à Bank of America pour préparer la vente de ses actifs en mer du Nord, qui comprennent une participation dans l'un des plus grands champs du bassin.
En octobre dernier, son retrait de la Bourse de New-York avait été finalisé. CNOOC comptait parmi les entreprises chinoises que l'administration Trump avait ciblées en 2020, car contrôlées par l'armée chinoise. Elle devrait être cotée à la bourse de Shanghai ce mois-ci, pour pouvoir continuer à se financer.
Pour autant, CNOOC ne renonce pas à se développer à l'international. La major chinoise va chercher à acquérir de nouveaux actifs en Amérique latine et en Afrique, et va donner la priorité au développement de nouveaux projets offshore au Brésil (où elle coopère avec Petrobras et Shell), en Guyane (avec Exxon et Hess) et en Ouganda et Tanzanie (avec TotalEnergies), selon les sources citées par Reuters.
Une nouvelle configuration de la mondialisation
CNOOC compte parmi les cinq plus importantes compagnies pétrolières du pays, avec CNPC, Sinopec, Yang Chang Petroleum et Sinochem Group, avec des actifs détenus hors du pays.
La rivalité avec les Etats-Unis, qui a pris une nouvelle dimension avec les sanctions occidentales contre la Russie, pourrait aboutir à une nouvelle configuration de la mondialisation tant sur le plan diplomatique que commercial. Cette perspective pousse la Chine à sécuriser son approvisionnement vital pour son développement économique.
Ainsi, le pays consomme de plus en plus de pétrole. Après 13,1 millions de barils par jour (mbj) en 2021, elle devrait brûler 15,7 mbj en 2022 (+ 9,1%), selon le dernier rapport mensuel de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Et même si elle a augmenté sa production locale (voir graphique), celle-ci reste largement insuffisante pour couvrir les besoins, notamment de produits pétroliers.
-
-
C'est l'une des raisons qui va pousser la Chine, mais aussi l'Inde et d'autres pays asiatiques, à développer les achats de pétrole russe, d'autant que ceux-ci sont vendus avec une décote.
Urgence de trouver un débouché pour la Russie
Pour le moment un tel mouvement d'ampleur ne s'est pas encore concrétisé, note l'AIE au regard des données de février et mars. "Il reste à voir si les acheteurs asiatiques pourront absorber le brut russe et les produits pétroliers qui étaient achetés par l'Europe et sont interdits aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et en Australie. Sans une réallocation complète, la Russie pourrait devoir arrêter une production de pétrole supplémentaire avec des conséquences potentielles à plus long terme pour l'approvisionnement mondial", explique l'AIE, qui anticipe une baisse de 1,5 mb/j en avril puis près de 3 mb/j en mai de la production russe.
De fait, l'urgence à trouver un débouché à ses importations d'hydrocarbures s'impose d'abord à la Russie plus qu'à ses clients asiatiques. La Chine, elle, qui est sous la pression de Washington, est en train de tirer les premières leçons du conflit ukrainien et commence à se préparer, au cas où.
No comments:
Post a Comment