La journaliste Natacha Polony relaxée d'une accusation de contestation du génocide au Rwanda
Par Le Figaro avec AFP
Publié , mis à jour
Le tribunal judiciaire de Paris a relaxé vendredi la journaliste Natacha Polony qui était poursuivie par plusieurs associations pour contestation du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, une première en France.
Voir dans ses paroles «une contestation de l'existence du génocide» résulte «d'une extrapolation des propos en cause», a estimé le tribunal.
Avec cette décision, «le tribunal envoie le message que les historiens, les chercheurs, peuvent travailler, s'exprimer sur ce qui s'est passé (au Rwanda), approfondir la situation sans être menacés d'une procédure judiciaire», a réagi auprès de l'AFP la directrice de la rédaction de l'hebdomadaire Marianne, présente à la lecture du délibéré.
Depuis 2017, la loi sur la liberté de la presse punit le fait de nier, minorer ou banaliser de façon outrancière tous les génocides reconnus par la France et pas seulement celui des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
La journaliste de 47 ans est la première à comparaître devant la justice française pour «contestation de l'existence de crime contre l'humanité» au Rwanda.
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En cause, des propos tenus le 18 mars 2018 sur France Inter. Elle avait alors évoqué le génocide au Rwanda en estimant «nécessaire de regarder en face ce qui s'est passé à ce moment-là et qui n'a rien finalement d'une distinction entre des méchants et des gentils».
«Malheureusement, on est typiquement dans le genre de cas où on avait des salauds face à d'autres salauds (...) il n'y avait pas d'un côté les gentils et de l'autre les méchants dans cette histoire», avait-elle ajouté.
Ces propos avaient suscité un vif émoi et poussé l'association de soutien aux victimes du génocide rwandais Ibuka France à porter plainte avec constitution de partie civile. Le Mrap et la Communauté rwandaise de France l'ont rejointe sur le banc des parties civiles.
Selon le tribunal, «ses propos, qu'elle n'a pas eu l'occasion d'expliquer (...) et qui sont immédiatement suivis de l'affirmation (...) de manière claire de l'existence du génocide, ne peuvent être analysés isolément, sans considération de ceux auxquels ils s'appliquaient et des dénégations faites par la prévenue quant à l'intention qui lui est prêtée».
«Mots maladroits»
Lors de l'audience, les 1er et 2 mars, Natacha Polony avait expliqué que par les termes «salauds», elle se référait aux dirigeants, non à la population, et aux «crimes du Front patriotique Rwandais (FPR, majoritairement Tutsi) de Paul Kagame commis avant, pendant et après le génocide».
«Ce sont pas les mêmes violences», avait argumenté l'historien Stéphane Audoin-Rouzeau, cité comme témoin, expliquant la «complexité» du génocide des Tutsi qui tient notamment au fait qu'on n'y trouve pas «une victime parfaite». «Le groupe cible (du génocide) a pris le pouvoir» en juillet 1994 et mené ensuite «une guerre civile avec toute la violence d'une guerre».
Le ministère public avait qualifié les propos de la chroniqueuse de «mots maladroits», mais n'y avait vu «aucun négationnisme».
«Si le jugement n'était pas allé dans ce sens-là, aucun journaliste n'aurait plus abordé ce sujet», a estimé Natacha Polony, se disant soulagée d'avoir été «blanchie» de cette accusation «grave et stigmatisante».
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