Burkina Faso : Blaise Compaoré demande « pardon » à la famille de Thomas Sankara
Dans un message lu par le porte-parole du gouvernement, l'ancien président dit « assumer et déplorer du fond du cœur toutes les souffrances et les drames vécus » durant ses vingt-sept années au pouvoir.
L'ancien président burkinabé Blaise Compaoré, condamné par contumace à perpétuité pour l'assassinat de son prédécesseur, Thomas Sankara, en 1987, a demandé « pardon » à la famille de ce dernier, mardi 26 juillet, mais aussi à l'ensemble du « peuple burkinabé » pour « les souffrances » endurées pendant ses vingt-sept années au pouvoir.
« Je demande pardon au peuple burkinabé pour tous les actes que j'ai pu commettre durant mon magistère et plus particulièrement à la famille de mon frère et ami Thomas Sankara », indique l'ex-chef de l'Etat dans un message lu par le porte-parole du gouvernement, Lionel Bilgo. « J'assume et déplore du fond du cœur toutes les souffrances et les drames vécus par toutes les victimes durant mes mandats à la tête du pays et demande à leurs familles de m'accorder leur pardon », poursuit M. Compaoré.
Blaise Compaoré, 71 ans, était arrivé au pouvoir en 1987 à la faveur d'un putsch qui avait coûté la vie au président d'alors, Thomas Sankara, icône panafricaine aux idées « progressistes », dont il était un des proches amis avant qu'il ne soit tué. En avril, à l'issue d'un procès-fleuve de six mois, le tribunal militaire de Ouagadougou l'avait condamné par contumace à la prison à perpétuité pour son rôle dans cet assassinat.
La mort de Thomas Sankara, qui voulait « décoloniser les mentalités » et bouleverser l'ordre mondial en prenant la défense des pauvres et des opprimés, a été un sujet tabou pendant les vingt-sept ans de pouvoir de M. Compaoré. Renversé par la rue en 2014, celui-ci vit depuis en Côte d'Ivoire mais a pu faire un bref retour de quelques jours dans son pays, début juillet, sans être arrêté. Dans son message, il a remercié le président ivoirien, Alassane Ouattara, d'avoir facilité ce retour.
« Réconciliation nationale »
Il était invité par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, actuel président de transition, arrivé au pouvoir lors d'un coup d'Etat en janvier, dans le but de « sceller la réconciliation nationale » avec d'anciens chefs d'Etat burkinabés face aux attaques djihadistes qui endeuillent le pays. Après avoir rencontré le nouvel homme fort du pays, M. Compaoré était apparu amaigri à ses côtés. Cette visite avait suscité une pluie de critiques au sein de la classe politique et de la société civile, qui estiment que la réconciliation ne doit pas être synonyme d'impunité.
Exprimant sa « profonde reconnaissance » aux autorités de transition, M. Compaoré a appelé dans son message de mardi les Burkinabés « à une union sacrée, à la tolérance, à la retenue, mais surtout au pardon pour que prévale l'intérêt supérieur de la nation ». « Notre pays, le Burkina Faso, vit depuis quelques années l'une des crises les plus graves de son histoire, qui le menace jusqu'à son existence même. Cette nation mérite mieux que le sort funeste que des terroristes veulent lui réserver », a-t-il poursuivi.
M. Compaoré est accusé d'avoir passé un pacte avec des groupes armés afin de préserver son pays des attaques djihadistes lors de ses années au pouvoir. Depuis sa chute en octobre 2014, le Burkina Faso s'est enfoncé dans une grave crise sécuritaire marquée par des attaques djihadistes meurtrières qui se multiplient, en particulier dans le nord et l'est du pays.
Le 24 janvier, le lieutenant-colonel Damiba avait renversé le président élu Roch Marc Christian Kaboré, rendu impopulaire par son « impuissance » face à l'insécurité. Mais les putschistes ont été rapidement confrontés à leur tour à des attaques sanglantes, à l'image du massacre de 86 civils à Seytenga (nord) en juin. Les violences, attribuées à des mouvements armés djihadistes affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique, ont fait des milliers de morts et près de 2 millions de déplacés depuis 2015.
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Le Monde avec AFP
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