FDLR et M23, deux groupes qui constituent les enjeux de la guerre entre le Rwanda et la RDC. Décryptage.
Le Rwanda de Paul Kagame n'admet ni ne dit jamais clairement pourquoi il a envahi la RDC. Quand il doit évoquer cette guerre, il se limite à dire que la RDC devrait éradiquer les FDLR et que le gouvernement de la RDC devrait négocier directement avec le M23, un groupe de sa création et au nom duquel ses troupes sont envoyées en RDC.
La RDC s'est engagée à "neutraliser et éradiquer" les FDLR mais refuse de négocier directement avec le M23 mais bien avec le Rwanda.
On le voit donc, dans n'importe quelle occasion pour évoquer ce conflit (conférences internationales, sommets régionaux ou bilatéraux, débats politiques, …) ces deux groupes FDLR et M23 sont omniprésents.
Aucune solution définitive à ce conflit ne saurait donc être avancée sans prendre en compte ces deux groupes en leur appliquant les mêmes critères pour savoir où les classer et comment les prendre en considération dans la résolution de ce conflit.
C'est l'objet de cette petite analyse.
Contexte du moment
Depuis le début du mois de janvier 2025, la guerre fait rage entre la RDC et le Rwanda. Nous disons "entre" d'abord au sens géographique du terme car les combats se déroulent ou se sont déroulés dans et autour de la ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu de RDC et qui fait frontière avec le Rwanda. Goma est accolée à la ville de Gisenyi du Rwanda sans frontière naturelle.
Ensuite, "entre le Rwanda et la RDC" au sens polémologique du terme, les combats opposent les éléments de l'armée de Paul Kagame dite RDF dont les effectifs engagés sont estimés à plus de 4 000 hommes sous la couverture du M23, un groupe armé de sa création. Ils affrontent les forces régulières de la RDC, les FARDC, opérant en coordination avec les groupes de jeunes d'auto-défense spontanés des populations envahies et appelés "Wazalendo" littéralement " Patriotes" en langue Swahili.
Développement
A partir du 24 janvier 2025, les troupes d'invasion de Paul Kagame et son M23 ont annoncé l'encerclement de la ville de Goma, que ce soit au Nord, à l'Ouset et au Sud, étant entendu qu'à l'Est, elle accolée au Rwanda. On pourrait logiquement considérer que le M23/RDF venait ainsi de conquérir presque toute la province du Nord Kivu.
Finalement le 28 janvier 2025, le même M23/RDF annonçait la prise totale de la ville de Goma et le contrôle de son aéroport international.
Dans la foulée, le 29 janvier 2025, le Rwanda annonçait officiellement la poursuite de la conquête : « Ils vont continuer dans le Sud-Kivu, parce que Goma ne peut pas être une fin en soi, à moins qu'entre-temps, ils ne négocient avec le gouvernement de Kinshasa, ce dont je doute », a déclaré Vincent Karega, ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands lacs."
Enfin le même 29 janvier 2025, pour une fois, le régime de Paul Kagame du Rwanda révélait son réel objectif de sa guerre contre la RDC. Un projet de création d'un Etat autonome. Les médias internationaux rapportent en effet que: "Kigali avance ses pions. Les rebelles menacent d'étendre leur emprise et de créer (dans l'est) une région autonome de Kinshasa.»
Perspectives d'avenir.
La situation sur le terrain des opérations militaires en ce début février 2025 indique clairement que le rapport de forces est en défaveur de la RDC. Le Rwanda est donc en position de force lui permettant d'imposer son M23 sur le terrain et sur le plan diplomatique dans toute initiative tendant à résoudre ce conflit.
La conséquence logique, ce sont des négociations pour la solution politico-diplomatique recommandée pour la résolution de cette problématique.
La RDC n'ayant pas de forces ou de moyens pour résister et bouter l'ennemi hors du territoire national, elle n'aura pas beaucoup de choix pour mettre fin à cette guerre. Soit elle va capituler et donc céder le pays ou une partie à Kagame sous couvert du M23, soit elle devra négocie avec le Rwanda de Kagame sous ses conditions dont celle de parler directement avec son M23 pour le partage du pouvoir.
Eléments dont il faudrait tenir compte
Dans ces négociations incontournables, soit avec le Rwanda soit directement avec le M23, groupe terroriste de Paul Kagame, les groupes FDLR et M23 seront au premier plan. D'où la nécessité d'étudier et de bien analyser ces deux enjeux présumés et apparents du conflit trentenaire et meurtrier entre le Rwanda et la RDC depuis 1996.
Racines et nature des deux groupes armés
Le M23 est un groupe issu directement de la coalition des Tutsi de la région qui s'était constituée en 1996 pour faire le noyau de l'AFDL /Congo-Zaïre autour de Laurent Désiré Kabila pour renverser le maréchal Mobutu Sese Seko. En 1978 lorsque le congolais Laurent Désiré Kabila a voulu s'émanciper de ses maîtres rwandais, ceux-ci l'ont assassiné en 2001 et l'ont remplacé à la tête de l'Etat par un certain Joseph Kabila présenté comme son fils. Par après, ils ont crée une rébellion qu'ils ont baptisée « Rassemblement Congolais pour la Démocratie », RDC en sigle.
Le nouveau président de la RDC, Joseph Kabila, négociera avec le RCD des Tutsi, et ses leaders obtiendront des postes au gouvernement : Azarias Ruberwa, Vice-Président et chargé des questions de défense et sécurité, plusieurs ministres comme Moise Nyarugabo, plusieurs généraux dans l'armée comme Laurent Nkunda, Bosco Ntaganda, etc.
Plus tard, l'aile Tutsi RCD s'étant scindé en deux, celui dit RCD-Goma se transformant en CNDP et ayant comme leader le général Laurent Nkunda. Par après, Laurent Nkunda se replia au Rwanda et ses successeurs donnèrent au groupe le nom de M23. Celui-ci prendra, en 2012, la ville de Goma mais il a dû s'en retirer un mois plus tard. Ces leaders politiques et militaires comme le colonel Sultan Makenga, le pasteur Jean Marie Runiga ainsi que leurs figurants pour les médias, les congolais non Tutsi comme Bertrand Bisimwa. se sont repliés au Rwanda et en Ouganda. Et ce sont eux à qui Paul Kagame a fourni plus de moyens pour relancer la reconquête de l'Est de la RDC sous la même étiquette de M23.
Quant au groupe FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda), il a été fondé en 2000 par des jeunes et forces vives parmi les millions de réfugiés Hutu Rwandais ayant fui Kagame en 1994 et qui voyaient les menaces et périls qui pesaient sur tout refugié Hutu rwandais en RDC. Le but des FDLR, comme indiqué dans leur manifeste-programme, est d'assurer la défense des réfugiés abandonnés et dispersés dans la jungle de la RDC, et si possible obtenir le droit de retour dans leur patrie le Rwanda en sécurité et en dignité.
Evolutions sémantiques de leurs appellations
Le M23, comme on l'a vu, change d'appellation selon les circonstances géopolitiques en RDC et dans la région. Tantôt AFDL, RCD, RCD Goma, RDPS, M23, … et actuellement M23/AFC!
Le groupe FDLR comme organisation politico-militaire pour la défense des réfugies rwandais en RDC, n'a jamais changé de nom et d'appellation depuis sa naissance en 2000.
Amalgames et assimilation à d'autres groupes
Le M23 n'est assimilé, à tort ou à raison, à aucun autre groupe opérant en RDC depuis 1996. Lui même reconnait être l'émanation du RCD-Goma de Azarias Ruberwa et du CNDP de Laurent Nkunda toujours vivants et politiquement et militairement encore actifs.
Par contre, le groupe FDLR est l'objet des assimilations souvent fantaisistes et faux prétextes chaque fois que le régime du FPR de Kagame veut se justifier ou se victimiser pour attirer la sympathie suite au génocide rwandais de 1994 qu'il a portant déclenché et auquel il a participé à sa commission.
Ainsi, il n'hésite pas à affirmer que les FDLR sont les mêmes ex-FAR (Forces Armées Rwandaises) qu'il accuse d'avoir commis le génocide rwandais en 1994, alors que les FAR qu'il a défaites en 1994 ne sont pas automatiquement devenus des FDLR.
Il omet de dire que les rares et seuls ex-FAR qui ont été FDLR à la fondation de ce groupe en 2000, sont soit morts, soit ont trahi leurs camarades et ce sont rendus à son armée (Rwanda Defense Forces) et ont été promus à des hauts grades comme les généraux Paul Rwarakabije, Jérôme Ngendahimana, Evariste Murenzi, etc. Et pourtant, il ne les accuse pas d'être des génocidaires alors qu'ils sont les fondateurs et les premiers commandants des FDLR. Les autres ex-FAR rescapés ou survivants sont des vieillards, mais en tout cas pas des FDLR qui, elles sont encore jeunes et physiquement aptes.
Comme Paul Kagame ne peut citer aucune action militaire que les FDLR auraient mené sur le territoire rwandais depuis leur création en 2000 pour qu'elles soient considérées comme une menace contre son Rwanda, il se rabat sur la guerre dite des "Abacengezi" (infiltrés) de 1998-2000 qui lui a servi de prétexte pour exécuter les cadres Hutu rapatriés de force de la RDC en 1996.
Or les actions des Abacengezi étaient menées par un mouvement qui s'était nommé ALIR et bien antérieur aux FDLR actuelles.
Enfin, pour maximiser en confusion et en amalgame, Paul Kagame assimile automatiquement tout groupe ou association qui nait et ayant pour but de combattre sa dictature, par n'importe quel moyen, comme étant FDLR. Or il en nait beaucoup comme il en disparait aussi beaucoup au fil des années. On peut citer: RUD-Urunana, CNRD, FLN ou FNL/MRCD, etc. Or, certains de ces groupes sont ou étaient des adversaires des FDLR ou ses dissidences.
Qualifications et sanctions éventuelles de la part de la communauté internationale
Le M23 est non seulement qualifié de "groupe terroriste" par la RDC et ses alliés, mais également ses dirigeants politiques et militaires sont presque tous sous sanctions internationales (ONU, UE, …) et même sous enquêtes de la CPI pour "crimes de guerre et contres l'Humanité voire de génocide".
Par contre, les FDLR, contrairement à la propagande mensongère du régime du FPR de Paul Kagame et largement relayée par les médias à sa solde, n'ont jamais été mises sur la liste des groupes terroristes ni par les Etats Unis ni par l'Union Européenne et encore moins par l'ONU. Certes, quelques individus particuliers ayant appartenu à ce mouvement ont été parfois objet de sanctions ciblées de la part de l'ONU et surtout de l'Union Européenne sous fortes pressions de Paul Kagame, mais leur nombre est beaucoup inférieur à ceux du M23 visés par les mêmes instances et sont plus lourdement chargés.
Quand les 2 enjeux FDLR et M23 seront mis à la table des négociations
Comme on vient de le voir, vue la situation actuelle montrant que le rapport de forces est défavorable à la RDC, l'accalmie ou la paix à l'Est de ce pays ne seront instaurées que par les négociations entre la RDC envahie et occupée et le Rwanda envahisseur et occupant et qui imposerait son pantin à la table des négociations dès lors que les FARDC sont incapables de les déloger et de les bouter hors de la RD-Congo comme il se devait.
Dans ces négociations probables, comparons l'argumentaire de Paul Kagame pour imposer son M23 à celui de Félix Tshisekedi s'il exigerait aussi à Paul Kagame de négocier avec les FDLR au lieu de se borner à exiger leur neutralisation et leur éradication comme c'est le cas actuellement.
Débat virtuel et étude comparative
Arguments de Paul Kagame imposant le M23
°Ce sont des congolais qui ont pris les armes pour défendre leurs droits et au mieux conquérir le pouvoir politique. Donc il faut parler avec eux;
°Ils ne sont pas rwandais;
°Ils ont déjà conquis de larges étendues du territoire congolais.
Arguments de Paul Kagame pour exiger la mort des FDLR.
°Les membres des FDLR sont des génocidaires de 1994;
°En RDC, ils se battent aux côtés des FARDC et en sont intégrées;
°Ils constituent une menace pour la sécurité du Rwanda de Kagame.
Répliques du président Félix Tshisekedi aux arguments avancés par Paul Kagame.
°Si le M23 est un groupe armé congolais, pas de soucis car il existe déjà un cadre dans lequel les groupes armés discutent avec le gouvernement. Il suffit de se référer au « processus de Nairobi » aujourd'hui en veilleuse.
°Si les membres du M23 ne sont pas rwandais, alors de quel droit Paul Kagame vient-il réclamer leurs droits en leur nom en RDC? Qui l'a mandaté?
°La question des territoires conquis par le M23 en RDC ne regarde pas Paul Kagame. Tout ce qui lui est demandé, c'est de retirer ses troupes déployées en nombre et qui se trouvent illégalement en RDC.
Répliques de la RDC à l'exigence de Paul Kagame d'éradiquer et de neutraliser les FDLR
Un crime pénal est juridiquement individuel et jamais collectif. Mais, politiquement, c'est admissible. Si parmi les FDLR il y aurait ceux qui ont commis le génocide, il faut les identifier et les poursuivre car les instances habilitées tant nationales qu'internationales (TPIR, CPI, …) existent. La RDC s'engage à coopérer.
°Depuis 1994, des millions de réfugiés rwandais vivent en RDC. Il faudrait bien indiquer qui, parmi ces millions de réfugiés Hutu, serait FDLR et où il serait localisé sur toute l'étendue du pays. La RDC va coopérer.
°Si ces FDLR constitueraient une menace pour le Rwanda, celui-ci peut légitimement parer à cette menace. Mais il doit prendre ces mesures de défense chez-lui et pas sur le territoire de la RDC.
°Les FARDC sont une armée nationale. Aucun élément dit des FDLR n'est intégré en son sein, et celui qui l'affirme doit en donner les preuves notamment qui, où et dans quelle unité ou échelon de commandement il se trouverait. Le commandement des FARDC y réagirait comme il se doit et selon les lois et les règlements.
Après ce débat virtuel et aléatoire, la synthèse et les conclusions logiques et impartiales devraient se résumer à ce que Paul Kagame devrait aussi s'engager à un dialogue politique avec les FDLR comme il voudrait l'imposer à la RDC pour son M23.
Pour terminer, le citoyen Lambda est en droit de se demander si la communauté internationale souhaite la paix ou la guerre permanente dans la region?
Car au minimum cette communauté Internationale devrait:
*Condamner fermement l'attaque et l'occupation par des RDF de la ville de Goma. Ensuite exiger leur retrait immédiat et sans conditions et cet acte irresponsable doit être qualifié d'agression et traité comme tel par la communauté internationale.
*Les Nations Unies, l'Union Africaine et la communauté internationale en général doivent exercer des pressions fermes sur le régime de Paul Kagame pour mettre fin aux hostilités, imposer des sanctions contre les responsables de cette guerre et protéger les populations civiles affectées.
*Et pour être équitable dans la résolution de ce conflit, il faut exiger au régime Kagame un dialogue politique avec FDLR, comme il l'exige pour son M23 en RDC.
Dans ces perspectives la RD-Congo, qui a le droit international de son côté, doit en user pour avoir aussi un rapport de force militaire favorable pour négocier sereinement.
Emmanuel Neretse
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