Boris Johnson veut envoyer au Rwanda les migrants de toutes origines expulsés du sol britannique
Le gouvernement britannique et le Rwanda ont annoncé s'être entendu pour que le Royaume-Uni puisse diriger les migrants arrivés sur son sol vers le pays africain. Si Boris Johnson voit dans le procédé une "solution" pour lutter contre l'immigration illégale, en attendant de pouvoir traiter les demandes d'asile, il doit affronter l'indignation des ONG et de la classe politique.
Des demandeurs d'asile arrivant au Royaume-Uni vont être envoyés au Rwanda, selon un accord controversé annoncé jeudi avec lequel le gouvernement de Boris Johnson espère dissuader les traversées illégales de la Manche qui ont atteint des records.
Ce projet suscite des réactions scandalisées, des organisations de défense des droits de l'homme dénonçant son "inhumanité", tandis que l'opposition a jugé que le Premier ministre britannique tentait de détourner l'attention après avoir reçu une amende pour une fête d'anniversaire en plein confinement.
Alors que le dirigeant conservateur avait promis de contrôler l'immigration, un des sujets clés dans la campagne du Brexit, le nombre de clandestins traversant la Manche a triplé en 2021. 28.500 personnes ont effectué ces périlleuses traversées durant cette année, contre 8466 en 2020... et seulement 299 en 2018, selon des chiffres du ministère de l'Intérieur.
Un projet chiffré à 144 millions d'euros
Lors d'un discours prononcé ce jeudi dans le Kent, à l'aéroport de Lydd, le Premier ministre Boris Johnson s'est expliqué, comme le montre ici Sky News.
"Notre accord avec le Rwanda est une partie essentielle de la solution, mais ce n'est pas toute la solution. C'est l'une des nombreuses étapes à accomplir pour régler le problème", a-t-il déclaré.
Désireux de regagner en popularité et séduire ses électeurs, Boris Johnson et son gouvernement cherchent depuis des mois - "neuf mois", a précisé le chef du gouvernement dans le Kent - à conclure des accords avec des pays tiers où envoyer les migrants en attendant de traiter leur dossier. Évoqué, le Ghana a fermement nié en janvier être en discussion avec le Royaume-Uni sur le sujet. Un accord a donc finalement été annoncé jeudi avec le Rwanda, ou s'est rendue la ministre britannique de l'Intérieur Priti Patel.
"Le Rwanda se réjouit de ce partenariat avec le Royaume-Uni pour accueillir des demandeurs d'asile et des migrants, et leur offrir des voies légales pour vivre" dans ce pays d'Afrique de l'Est, a déclaré dans un communiqué le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta. Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres sterling (144 millions d'euros).
Les ONG scandalisées, Johnson tente de leur répondre
Mais c'est peu dire que l'annonce ne fait pas l'unanimité. Les ONG, tout d'abord, sont vent debout. Steve Valdez-Symonds, directeur des droits des réfugiés et des migrants d'Amnesty International Royaume-Uni, a dénoncé "une idée scandaleusement mal conçue" qui "fera souffrir tout en gaspillant d'énormes sommes d'argent public", soulignant aussi le "bilan lamentable en matière de droits humains" de la nation africaine. Pour le directeur général de Refugee Action, Tim Naor Hilton, c'est une "manière lâche, barbare et inhumaine de traiter les personnes fuyant la persécution et la guerre".
Toujours dans le Kent, Boris Johnson a voulu répondre à ces inquiétudes humanitaires quant à la destination, assurant que le Rwanda avait "totalement changé" au cours des dernières décennies.
"Nous nous assurons de pouvoir avoir la haute confiance dans la manière dont ces gens seront reçus", a-t-il promis.
Il a même affirmé que le Rwanda était désormais "l'un des pays les plus sûrs au monde".
Tollé chez les politiques
Mais dans le chapitre des critiques soulevées par l'accord, la classe politique n'est pas en reste. L'opposition, travaillistes en tête, a fustigé "l'inhumanité" du projet et certains conservateurs eux-mêmes expriment leurs doutes. Ainsi, le député Tobias Ellwood a estimé sur la BBC qu'il s'agit d'une "énorme tentative de détourner l'attention" des déboires de Boris Johnson dans le Partygate.
Au plan national comme en matière de politique extérieure, Boris Johnson ne sort décidément plus des controverses.